Peter "Chuck" BADIE

(1925 - )

Bassiste

Jazz - Rhythm’n’Blues

17/05/1925 – 1945

Naissance à New Orleans de Peter Badie, Jr., fils de Peter, Sr. Et Myrtle. Le jeune Peter grandit dans le quartier de Carrollton, à New Orleans. Bien que son père soit un saxophoniste qui jouait du Dixieland, avec les frères Percy et Willie Humphrey notamment, il ne fut jamais attiré par cet instrument.

Après l’école, il commence à travailler comme charpentier et va régulièrement traîner au Rhythm Club à l’angle de Jackson et Derbigny pour écouter les big bands de l’époque, ceux de Lucky Millander, Tiny Bradshaw, Erskine Hawkins et Billy Eckstine ; on est en 1940-41, et c’est là qu’il est pour lapremière fois attiré par les bassistes. Il commence à écouter Jimmy Blanton et Junior Raglan, les bassistes de Duke Ellington.

Mais la guerre éclate et il est enrôlé dans la Marine et part sur les mers.

1945 – 1951

Une fois la guerre terminée, il rentre à New Orleans et, comme pas mal de futurs grands musiciens de New Orleans, il entre à l’école de musique Grunewald sur Baronne Street. Il va y apprendre la basse avec le professeur Otto Fink, un musicien classique. Il obtient son diplôme en 1949 et intègre un orchestre du nom de The Buccaneers. L’orchestre se produit dans les clubs de la ville, dont le Dew Drop Inn où beaucoup d’artistes se produisent.

1951 – 1956

En 1951, Roy Brown, qui cherchait à monter un nouvel orchestre, organisa des auditions. Peter Badie s’y présenta et fut engagé. C’était la première fois qu’il partait en tournée. Il joua environ un an avec Roy Brown, participant à quelques sessions d’enregistrement à Cincinnati. Mais les tensions au sein de l’orchestre le décidèrent à partir, un jour alors qu’ils étaient à Little Rock. Il prit un bus et rentra à New Orleans. Pour son premier soir en ville, il se rendit dans un club du Ninth Ward où jouait Paul Gayten… qui l’engagea sur le champ ! Paul Gayten avait un engagement régulier au Brass Rail sur Canal Street ; c’est là que Peter commença à jouer de la basse électrique. D’ailleurs, le premier soir, le propriétaire vient se plaindre qu’il ne voulait pas de deux guitares dans son club. Et Paul Gayten dût lui expliquer qu’il ne s’agissait pas d’une guitare, mais d’une basse électrique ! Tout en jouant avec Paul Gayten, Peter Badie acceptait d’autres engagements lorsque son emploi du temps le lui permettait. Un soir, Dave Bartholomew eut besoin d’un bassiste à la dernière minute pour un engagement à l’Auditorium Municipal en première partie de Lionel Hampton. A la fin du spectacle, Lionel Hampton proposa à Peter Badie de se joindre à son orchestre en remplacement de son bassiste qui venait de le quitter. Le lendemain, ils jouaient à Houston puis continuèrent vers l’ouest. Puis, ce fut les tournées en Europe. Peter Badie adorait travailler avec Hampton, mais les problèmes de santé de son père l’obligèrent à rentre à New Orleans en 1956.

1956 – 1963

Dès son retour, il est de nouveau engagé pour des soirées et joue régulièrement avec le Modern Jazz Quarter d’Ellis Marsalis. En 1957, il est l’un des membres fondateurs de l’American Jazz Quintet avec Nat Perilliat, Alvin Batiste, Ellis Marsalis et Ed Blackwell. Vers 1960, Badie jouait au Dew Drop Inn lorsqu’il fut contacté par Allen Toussaint pour participer à quelques sessions d’enregistrement qu’il produisait pour Minit et Instant Records, les labels de Joe Banashak. Il accepta sur le champ, sachant entre autre que ses sessions représentaient de bonnes rentrées d’argent !

En 1961, Peter Badie devint un des membres fondateurs de AFO Executives, le tout premier label de New Orleans appartenant exclusivement à des noirs et géré par des noirs. Malheureusement, malgré un beau succès avec I Know de Barbara George, l’organisation ne parvient pas à trouver sa place à New Orleans. Ils décident alors de tenter leur chance sur la Côte Ouest.

1963 – 1964

En 1963, Badie et sa famille s’installent dans le véhicule d’Harold Battiste et filent vers l’Ouest. A Los Angeles, Peter Badie retrouva du boulot en faisant des séances d’enregistrement pour Sam Cooke, et quelques concerts. Avec Sam Cooke, il enregistre notamment A Change Is Gonna Come et Tennessee Waltz, puis participe à un engagement d’une semaine à New York. Mais après un an, il dût se rendre à l’évidence : la Côte Ouest n’était pas l’Eldorado espéré. Il n’y avait pas tant de travail que ça, et les salaires bas ne lui permettant pas de faire vivre sa famille.

1964 – 1969

De retour à New Orleans, il pensait reprendre son métier de charpentier, mais finalement se retrouva à jouer avec Snooks Eaglin et Smokey Johnson au Rip’s Playhouse sur Orleans Avenue. Une semaine après lui, c’est Red Tyler qui rentrait à son tour. C’est juste après qu’ils apprirent la mort de Sam Cooke !

Les temps étaient durs à New Orleans pour les musiciens. Peu d’orchestres avec lesquels jouer et encore moins de sessions, les labels ayant plus ou moins quittés la ville. Peter Badie, comme Red Tyler et June Gardner, rejoignit l’orchestre de jazz d’Ed Frank qui jouait les week-ends au Forest Inn et au Haven.

En 1967, l’orchestre est engagé pour jouer six jouer six jours par semaine au Mason’s V.I.P. Club, un tout nouveau club noir sur South Clairbone Avenue.

1969 – 1971

En 1969, Badie monte son propre orchestre et est engagé au Vernon’s Steak House sur Louisiana Avenue. Là il aura l’occasion d’accompagner divers artistes engagés par le club, dont John Coltrane.

1971 – 1974

Il retourne au Mason’s en 1971 et joue alors avec l’orchestre de Red Tyler jusqu’en 1974. Mais le milieu de la musique est dans une mauvaise passe et ne lui permet plus de gagner correctement sa vie !

1974 – 1988

A regret, il laisse tomber sa basse et trouve un job de serveur au Royal Sonesta où il restera jusqu’en 1988, date à laquelle il prendra sa retraite ; il alors 63 ans !

Depuis 1988

Vers cette époque, le chef d’orchestre Emory Thompson contacta Badie et lui demanda s’il jouait toujours.  Badie répondit qu’il pouvait  de nouveau. Il alla ensuite chez Walter Payton emprunter un jeu de cordes pour sa basse ! L’orchestre joua sur le Creole Queen, un des bateaux à aubes qui sillonnaient le Mississippi et ses vieux potes comme David Lastie et Justin Adams se précipitèrent pour l’écouter. Après le premier soir, ses doigts le faisaient atrocement souffrir, mais tout le monde s’accordait pour dire qu’il sonnait comme vingt ans auparavant. Dès lors son téléphone n’arrêta plus de sonner : d’abord Teddy Riley, puis Danny Barker et plein d’autres le sollicitèrent. Il enregistra de nouveau, notamment avec Doc Cheatham, Sammy Remington et Butch Thompson.

Au début des années 2000, il joue toujours et  participe au Ponderosa Stomp de 2002, avec Barbara George, puis à celui de 2003.

Malheureusement, il fut de ceux qui perdirent leur maison lors du cyclone Katrina en 2005 ; il fut parmi les premiers musiciens à rejouer après la catastrophe, notamment au Palm Court Jazz Café, dès le 19 octobre. Il fut relogé dans le « musician’s village » financé par d’autres musiciens pour venir en aide aux musiciens qui avaient tout perdu lors du cyclone.

Le 17 juillet 2008 (il a quand même 83 ans), il joue au Snug Harbor lors d’une soirée en l’honneur du plus vieux musicien encore en activité à New Orleans, le trompettiste Lionel Ferbos, qui fêtait ses… 97 ans !!!

Tout amoureux du Rhythm and Blues de New Orleans connaît Chuck Badie, ou du moins l’a attendu maintes fois. En effet, c’est lui qui tient la basse sur des tubes tels que Mother-In-Law de Ernie K-Doe, I Know de Barbara George ou I Like It Like That et Something You Got de Chris Kenner, parmi beaucoup d’autres.

Comme bassiste de jazz, il fait également figure de précurseur, ayant été à l’origine d’orchestres comme AFO Executives, le Modern Jazz Quarter, l’American Jazz Quintet.

George Porter, Jr. le cite comme étant son bassiste préféré. Sacré référence !

Discographie

Compendium (The AFO executives & Tammy Lynn)

AFO

1963

From Bad To Badder (The American Jazz Quintet - live)

Black Saint

1987

Compendium (+ 4 bonus tracks) (The AFO executives & Tammy Lynn)

AFO

1993

AFO executives

AFO

?

Mon choix : Compendium (Everything’s Coming Up Roses / That’s All / Old Man River / LeJohn / I Left My Heart In San Francisco / The Man I Love / One Naughty Flat / Moja Hanna / The Big B. N. / Money / Old Wyne / Baby / All Alone Misty Poses / To You My Love)

Jazz et Rhythm and Blues se confondent dans cette surprenante galette où se côtoient des musiciens de talent. Aussi à l’aise dans du Gershwin (The Man I Love) que dans une reprise Motown (Money), ils font preuve d’une maîtrise et d’une innovation exceptionnelles pour l’époque. Pas étonnant que ces musiciens-là aient fait parlé d’eux par la suite !

Pour en savoir plus : Under A Hoodoo Moon, de Dr. John & Jack Rummel (St. Martin's Press, 1994) ; The Soul Of New Orleans (A Legacy Of Rhythm And Blues) de Jeff Hannusch (Swallow Publications, 2001) dans lequel l’auteur lui consacre un chapitre.