Edgar
BLANCHARD (1924 - 1972) |
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Guitariste, Chef d’orchestre, Arrangeur |
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Rhythm and Blues |
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17/08/1924 |
Naissance de Edgar Blanchard, à Grosse Tete, en Louisiane, un petit village à 20 kilomètres à l’ouest de Baton Rouge. Il est encore enfant lorsque avec ses trois frères, ses parents s’installent à New Orleans. Edgar est un petit prodige et, à dix ans, il est
déjà un bon guitariste et se produit sur scène dès les années 30, notamment
avec le trompettiste Frank Mitchell. Pendant la deuxième guerre mondiale, il servira en Europe. |
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1945 – 1950 |
Il rentre à New Orleans en 1945 et intégre l’école de musique Grunewald pour y étudier la théorie et l’arrangement. Une fois son diplôme en poche, il forme son premier orchestre avec Albert “June” Garner à la batterie, Otis Ducker au saxophone, Ed Blackwell au piano et Stewart Davis à la basse. Il appellera le groupe The Gondoliers, en souvenir d’un séjour à Venise, en Italie, pendant la guerre. A la fin des années 40, le groupe écluse les clubs de la ville comme le San Jacinto, Le Robin Hood, le Gypsie Tea Room, Le Dew Drop Inn et le Downbeat. Grâce à ses talents de guitariste, et surtout d’arrangeur, son orchestre devient l’un des meilleurs de la ville. Les Gondoliers jouaient régulièrement au club
Pelican de Percy Stovall sur South Rampart Street. Pour compléter ses
revenus, Percy Stovall se mit à s’occuper d’artistes comme Roy Brown et
Chubby Newsome qu’il faisait tourner dans la région. Il avait donc besoin
d’un orchestre pour les accompagner. Stovall fit le grand saut en décembre
1948 et signa un contrat d’exclusivité avec Blanchard et les Gondoliers. Il
vendit le club Pelican pour devenir impresario à temps plein. L’année suivante, Stovall permit aux Gondoliers d’obtenir un contrat de longue durée au Bronze Peacock, un club de Houston, au Texas, appartenant à Don Robey, le patron de Peacock Records. Ce dernier, toujours à la recherche de nouveaux talents, enregistra l’orchestre et l’utilisa pour une session de l’harmoniciste Papa Lightfoot. Blanchard chante sur deux titres, Creole Gal Blues et She’ll Be Mine After Awhile (1949), dans un style assuré et onctueux. Sur ces deux faces, son jeu tire plus vers la country music que le jeu plus urbain qui le fera connaître plus tard. Le disque ne se vendit pas et Robey n’insista pas. |
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1950 – 1951 |
Début 1950, le groupe était de retour au Dew Drop Inn de New Orleans où il accompagne notamment le chanteur Larry Darnell. Mais Blanchard dissout bientôt le groupe et se fait engager dans l’orchestre de Roy Brown, The Mighty Men. Après plusieurs mois, la plupart des membres de l’orchestre s’en allèrent et Blanchard dû assumer le rôle de chef d’orchestre, avec un salaire de 125 dollars par semaine. En plus des tournées avec Brown, il joua et fit les arrangements de plusieurs de ses principaux enregistrements, dont Hard Luck Blues qui atteint le sommet du hit parade R’n’B du Billboard en 1950. Edgar Blanchard demeura un Mighty Man jusqu’à l’automne 1951 où, suite à un désaccord avec Brown, il quitta l’orchestre en pleine tournée. |
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1951 – 1952 |
Désirant devenir musicien de studio, il revint à New Orleans espérant décrocher des contrats pour des sessions au studio J&M. Malheureusement, à cette époque Ernest McLean détenait quasiment le monopole des sessions, et personne ne le sollicita. Frustré, il abandonna complètement la musique. |
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1952 – 1958 |
En 1952, alors qu’il avait laissé tomber la guitare et projetait d’émigrer dans le nord pour travailler dans une usine d’automobile, il rencontra Alonzo Stewart au Famous Door où il jouait. Celui-ci lui proposa de se joindre au groupe qu’il était en train de monter ; le deal était que Blanchard s’occupait de la musique et Stewart de l’administratif. L’accord fut scellé et le groupe devint les nouveaux Gondoliers. Il comprenait Warren Hebrard au saxophone ténor, Edward Santino au piano (également issu des Mighty Men), Frank Mitchell, le vieil ami, Alonzo Stewart à la batterie, et Blanchard à la guitare. Le saxophoniste Lee Allen devait intégrer l’orchestre, mais se décida pour celui de Paul Gayten à la dernière minute et fut remplacé par August “Dimes” Dupont. Après un mois de répétition, l’orchestre était fin prêt. Leur premier engagement, au Hide Away Inn qui avait vu les débuts de Fats Domino, attira toute la crème des musiciens de la ville. Leur premier engagement régulier fut au Famous Door. Mais le propriétaire, peu habitué à ce genre d’orchestre où les musiciens lisaient des partitions, préfère les libérer après la première soirée ! Mais comme il les appréciait bien, il les aida à trouver un autre contrat. Ce fut fait avec les frères Perez qui dirigeaient le Perez Lounge sur Airline Highway. Ils y restèrent plusieurs mois et commencèrent également à jouer au Dew Drop Inn. Et à accompagner les artistes que Frank Pania faisait tourner, comme Johnny Ace au Stable Club de Biloxi, dans le Mississippi. Suite au succès remporté par l’orchestre, le propriétaire du club les engagea. Ils y joueront six soirs par semaine pendant deux ans ! En 1953, Les Gondoliers travaillèrent avec Joe
Turner sur Honey Hush. C’est
d’ailleurs Edgar Blanchard qui est l’auteur de la fameuse intro jouée sur
deux cordes. Il joua également sur plusieurs autres enregistrements Atlantic,
notamment Tipitina de Professor
Longhair, I’m Gonna Cross That River
de Tommy Ridgley et Feeling Sad de
Ray Charles où son jeu fait merveille. Blanchard commença également à faire ses sessions
pour Bumps Blackwell, le producteur de Specialty Records. Son jeu de guitare
illumine plusieurs faces Specialty dont Slippin’
And Slidin’, Ready Teddy et Miss Ann de Little Richard. Il
publiera même deux singles sous nom
chez Specialty : Mr. Bumps, un
rock’n’roll instrumental, b/w Ricki-Ticki-Too
(#585) et Stepping High, b/w Sweet Sue (#586), avec un jeu country picking dans le style
de Chet Atkins. Même quand ils n’étaient pas en studio, Edgar et ses
Gondoliers étaient toujours très occupés.
A un moment, ils enchaînèrent 96 semaines d’affilée au club Keyhole de
San Antonio, au Texas, suivies par 28 semaines au Piccadilly de Pensacola !
A New Orleans, on pouvait les entendre au Dream Room, au Famous Door et, bien
entendu, au Dew Drop Inn. A cette époque, le groupe a un répertoire très
complet comprenant de la musique de danse, évidemment, mais aussi des titres
vocaux à la manière des Ink Spots, et un numéro comique qui venait couronner
le tout, notamment sur des titres comme How
Come My Dog Don’t Bark et Tom
Dooley. Après le départ de Blackwell de New Orleans, Blanchard devint l’un des collaborateurs privilégiés de Paul Gayten qui était alors producteur pour Chess Records. C’est certainement pendant cette période que Blanchard fit preuve de plus d’innovation. Sur l’instrumental Driving Home, il joue une variation du fameux motif rythmique du Honky Tonk de Bill Doggett. C’est lui aussi qui fait l’intro rockabilly de Oh-Oh d’Eddie Bo, qu’un Scotty Moore aurait très bien pu jouer sur un disque d’Elvis. Pendant cette période, Blanchard accompagna également Charles Williams, Clarence “Frogman” Henry et Bobby Charles. Les Gondoliers enregistrèrent aussi pour Argo, la sous-marque de Chess, sous le pseudonyme de « Myles and Dupond » un imitation de Huey Smith avec Loud Mouth Annie / Heaven Or Heartbreak. Myles & Dupont étaient en fait les noms du pianiste Warren Myles et du saxophoniste August ‘Dimes’ Dupont qui avaient écrit et chantaient les chansons. Blanchard enregistra également une chanson, Lawdy Mama, qui resta inédite jusque dans les années 80 lorsqu’elle fut exhumée des archives de Chess. |
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1958 – 1964 |
En 1958, Blanchard enregistre deux
instrumentaux pour Ace, Let’s Get It
et Lonesome Guitar. Ces deux titres
seront cédés à Joe Ruffino qui les publiera sur son tout nouveau label Ric
(#954) …et embauchera Blanchard comme « A&R man ». Le
guitariste deviendra, grâce à ses arrangements et son jeu de guitare, le pilier du son des labels Ric et Ron, à
travers ses réalisations avec Eddie Bo, Al Johnson, Tommy Ridgley et Irma
Thomas. Le second single de Blanchard sur Ric, Bopsody Blues / Blues
Cha-Cha, fut fabriqué mais retiré au dernier moment au profit de I Won’t Cry de Johnny Adams dont il
avait fait les arrangements. Edgar Blanchard & The Gondoliers
enregistrèrent l’unique album publié par Ric Records, Let’s Have A Blast qui, bien qu’ayant réussi à capturer le côté
jovial du groupe tel qu’il l’était sur scène, ne restitue malheureusement pas
sa capacité créative. En 1960, le bassiste Frank Fields, le saxophoniste
Warren Bell et Lawrence Cotton, l’ancien pianiste de Guitar Slim, avaient
rejoint l’orchestre qui était devenu l’orchestre maison du Natal, sur Chef
Menteur Highway. Ils y restèrent plus de cinq ans, à y jouer six soirs par
semaine ! Puis l’établissement fut vendu pour être transformé en
bowling. Le groupe alla jouer dans un club blanc de Mobile où il devait
rester trois mois. Mais quinze jours plus tard, George Wallace (homme politique américain, membre du Parti démocrate,
partisan de la ségrégation raciale) vint à Mobile pour un meeting politique.
Le patron du club, craignant les violences, leur paya ce qu’il leur devait et
leur dit de rentrer chez eux. Ils jouèrent encore deux semaines au
club Safari, mais maintenant il n’y avait plus de travail et le groupe dut se
séparer ! Blanchard passa alors un concours administratif et entra
finalement dans la Fonction Publique. En 1964, Blanchard avait tout de même eut l’occasion de retourner en studio pour accompagner à la guitare le chanteur Prince Royals (Voir le LP Bandy 70009 de 1981). |
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1964 – 1972 |
Vers la moitié des années 60, son goût pour le
whisky Old Cominsky commença à lui causer des ennuis. Il fit plusieurs allers-retours
à l’hôpital et dût subir une ablation partielle du foie… avec, bien
entendu, consigne impérative d’arrêter de boire. Ce qu’il fit pendant un
moment, avant de se remettre à jouer dans le French Quarter et, bien sûr, de
se remettre à boire. Il dût subir une seconde ablation partielle du foie et
son médecin lui dit que c’était la dernière et qu’ils ne pouvaient plus rien
enlever. En 1970, Edgar Blanchard jouait du banjo et de la guitare dans des orchestres de Jazz Dixieland dans le French Quarter et jouait des chansons des Ink Spots les week-ends au club Genero sur Airline Highway avec le trompettiste Henry “Hawk” Hawkins. |
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16/09/1972 |
Le matin du 16 septembre 1972, Edgar Blanchard, qui travaillait alors comme vigile au Milne Boys Home, succomba à une crise cardiaque. |
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Edgar Blanchard fut assurément l’un des guitariste les plus talentueux, les plus populaires et les plus respectés de New Orleans, de la fin des années 40 jusqu’au milieu des années 60. Il fut l’un des premiers musiciens à faire de vrais arrangements et enregistra des centaines de faces. Malheureusement, que très peu sous son nom, ce qui fait qu’il est maintenant largement oublié ! |
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Discographie (discographie détaillée) |
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Let’s Have A Blast Wih The Gondoliers |
Ric |
1961 |
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Mon
choix : Let’s Have A Blast Wih The Gondoliers (Tom Dooley / Fuzzy Wuzzy / Louse Of A Boarder / My Ding A Ling / The
Squirrel Song / The Teetzie Fly) Surprenant ! Le seul album de Ric
Records et le seul des Gondoliers ! Malheureusement, la musique ne rend
absolument pas justice au fabuleux artiste que fut Edgar Blanchard.
Enregistré, apparemment dans un club, il s’agit de musique de cabaret… mais
pas de rhythm and blues. Dommage ! |
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Pour en savoir plus : The Soul of New Orleans, A legacy of Rhythm and Blues de Jeff Hannusch, dans lequel l’auteur lui consacre un chapitre. |
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