Charles BRIMMER

(1948 - )

Chanteur

Soul Music

10/10/1948

Né à New Orleans, Charles Brimmer grandit dans le fameux Ninth Ward. Dès l’âge de huit ans, il chante du gospel dans des chœurs d’église. Mais, attiré par le faste apparent et l’attitude des artistes qu’il voit lors des concerts de R’n’B à l’auditorium de la ville, il va vite se tourner vers cette musique. Bien qu’il soit encore au lycée, il commence à chanter avec un groupe du quartier, The Ravens.

1968 – 1974

Son tout premier enregistrement est apparemment fait avec son frère Ivory et publié sur le label new-yorkais Geneva Records. Puis, alors qu’il n’a que 19 ans et qu’il étudie toujours à la St. Augustine Hight School, il signe un contrat avec le label local ABS (Always Better Sounds) de Camille Indacon, distribué par Dover Records de Cosimo Matassa. A l’époque, c’est Wardell Quezergue qui est le producteur du label et qui s’occupe de Brimmer. Il lui demande donc de travailler certaines chansons pour les enregistrer. Charles Brimmer choisit notamment Barefootin’, de Robert Parker, mais ce dernier l’informe une semaine plus tard qu’il a l’intention d’enregistrer lui-même la chanson. Finalement, le premier single ABS est Now She’s Gone, Gone, qui se vend à environ 3000 exemplaires. Le second, The Glide, fera à peu près le même score. Cela suffit à lui donner une certaine notoriété dans le circuit soul de la région et à lui permettre de tourner avec David Battiste and the Gladiators, avec lequel il chante ses chansons, mais aussi tous les tube de soul de l’époque. Grâce à ses revenus, il a maintenant les moyens de poursuivre ses études et de s’inscrire à la Southern University of New Orleans. C’est à ce moment-là qu’il fut remarqué par Dave Bartholomew qui le signa sur son label Broadmoor en 1969. Deux singles furent publiés au début des années 70 : Black Is Beautiful et le splendide The Feeling Is In My Heart, dans lequel les chœurs son assurés par le groupe The Continentals. Mais les choses vont vite se gâter : « The Feeling Is In My Heart commençait à être un beau succès régional » se souvient Charles Brimmer. « Le titre passait de plus en plus à la radio et ma carrière était en train de décoller. J’en étais à faire les premières parties des vedettes nationales lorsque survint la brouille avec Broadmoor et ABS. Mon contrat stipulait qu’ils devaient publier un album si les ventes des singles atteignaient un certain volume. La limite fut atteinte, mais Broadmoor et ABS refusèrent de publier l’album. J’étais furieux ! J’ai continué à faire des concerts, mais jusqu’à nouvel ordre, je refusais systématiquement tout enregistrement. J’ai même eut l’opportunité de faire Goove Me ; King Floyd me proposa la chanson à l’issue d’un concert au ILA Hall mais je refusais car je ne voulais rien enregistrer ».

Au début des années 70, Charles Brimmer tourne avec Oliver and the Rocketts, une revue soul très populaire à l’époque dans le circuit des clubs de New Orleans. C’est aussi à ce moment-là que Senator Jones, une personnalité locale, créa plusieurs labels, dont Hep’ Me et JB’s. Le premier single à sortir sur Hep’ Me sera le fait d’un pianiste et professeur de lycée nommé Raymond Jones (Ray J), en 1973. Ray J, qui était également l’organiste et le leader du groupe de Charles Brimmer, réussit enfin à le convaincre de retourner en studio. Senator Jones demanda à Brimmer de faire une reprise de Afflicted, la chanson de O.V. Wright. Le disque fut publié avec Your So Called Friend en face B, une chanson écrite par Brimmer lui-même, une sorte de monologue très expressif. Le disque marcha bien, d’après Brimmer, parce que les gens l’achetèrent pour cette chanson. Elle attira également l’attention de Willie Mitchell à Memphis, qui proposa un accord pour le disque et pour produire un album de Charles sur Hi Records. Malheureusement, le contrat avec Broadmoor et ABS n’étant pas arrivé à son terme, ils insistèrent  pour produirent eux-mêmes l’album. Mais Hi, qui voulait le contrôle total de l’enregistrement, abandonna la partie, à la grande déception de Brimmer. « C’était juste un an avant que Hi signe Al Green » se souvient amèrement Charles Brimmer. « Je ne voulais plus avoir à faire à une compagnie de disques ».

1974 – 1976

Cependant, en 1974, Senator Jones revint à la charge. C’était juste après la sortie de Explores Your Mind, l’album d’Al Green qui contenant la chanson God Blesses Our Love. Il y avait manifestement une forte demande pour un single, mais Hi, ne voulant pas nuire aux ventes de l’album, n’en publia pas. Jones demanda alors à Brimmer d’en enregistrer une reprise. Ils prirent le chemin d’un studio Deep South à Baton Rouge et, toujours sous la direction de Raymond Jones, commencèrent à répéter le titre. Une fois prêts à enregistrer, Sénator Jones leur annonça que les répétitions avaient été enregistrées et que ça lui suffisait ! Jones fit presser quelques exemplaires sur son label JB’s (JB’s 2607) et s’empressa d’en donner une copie à la station de radio WXEL de Slidell qui la diffusa sur le champ. En deux jours, la chanson fit un malheur à New Orleans. La société de distribution All South commanda 10 000 exemplaires, mais Senator Jones n’avait pas les moyens de faire presser les disques. Ils contactèrent alors Chelsea Records, le label de Wes Farrell à Los Angeles, et leur expliquèrent la situation. Les gens de Chelsea vinrent à New Orleans, achetèrent la matrice et publièrent le disque… qui se vendit finalement à 60 000 exemplaires, rien qu’à New Orleans, et à plus de 300 000 au niveau national, atteignant la 43ème place du hit-parade R&B in 1975. L’album qui suivit en 1975, Expression Of Soul, se vendit, quant à lui, à environ 10 000 exemplaires.

Charles Brimmer passa ensuite neuf mois sur la route à jouer dans les clubs du Sud. Chelsea publia deux autres singles, puis un magnifique deuxième album intitulé Soulman. Avec deux titres de Willie Mitchell (I love Her et My Sweet Thing) et deux superbes reprises d’Allen Toussaint (With You In Mind et Play Something Sweet), cet album est un joyau dans un pur écrin que constituent les arrangements de Raymond Jones. Malheureusement, les relations entre l’artiste, le producteur et la maison de disques commencèrent à se détériorer. Brimmer souhaitait une production plus sophistiquée pour se mesurer avec les grands. Jones et Chelsea faisait le minimum, ce qui le réduisait à un artiste local. Brimmer se rendit aussi compte que ses royalties étaient en fait utilisées par la maison de disque pour financer du temps de studio d’autres artistes ! Ecoeuré, il prit finalement la décision de s’expatrier à Los Angeles, en 1976, là où, pensait-il, tout se passait.

1976 – 1983

En Californie, la situation n’était pas aussi rose qu’il l’espérait. Charles Brimmer dû prendre un travail régulier comme comptable. En effet, les concerts n’étaient pas si faciles à décrocher et les maisons de disques peu enclins à enregistrer le style de musique ‘deep soul’ qu’il pratiquait. Motown parut un temps intéressé, mais rien ne se passa. Il se faisait un peu d’argent en participant régulièrement à des concours de chant !

Depuis 1983

De retour à New Orleans en 1983, Charles Brimmer enregistra une reprise de Marvin Gaye, Distant Lover, qui sera publiée sur King Kokomo, le label de son frère. Le succès ne fut pas au rendez-vous et il reprit le chemin de la Californie, mais rentra rapidement à New Orleans auprès de sa famille (Charles Brimmer est marié avec l’une des filles de Fats Domino).  Depuis lors, il se consacre à sa famille et à sa carrière professionnelle. Il exerce la profession de contrôleur des finances pour une compagnie d’assurance maladie tout en étant propriétaire d’une société de nettoyage.

Il ne chante plus qu’occasionnellement, comme en 1991 au Tipitina’s lors d’un concert de soutien à Jessie Hill.

Le 29 août 2005, il faisait partie des quatorze membres de la famille de Fats Domino, dont Fats lui-même, à être sauvés des eaux qui avaient envahi la maison familiale de Marais Street dans le ‘Lower Ninth Ward’ suite au cyclone Katrina. Il participera ensuite à l’immense opération de nettoyage du quartier.

Bien que le nom de Charles Brimmer soit rarement cité, le fait est qu’il demeure l’un des plus grands chanteurs de ‘deep soul’ de l’histoire ; ses deux albums en témoignent magnifiquement.

Discographie

Expression Of Soul

Chelsea

1975

Soulman

Chelsea

1976

Soul Man

Victor (Japon)

1980

Brimful Of Soul

(il s’agit, en fait de l’album Soulman, augmenté d’un titre du premier album, We've Only Just Begun)

Charly (UK)

1986

Mon choix : Expression Of Soul (Let Me Make Love To You / Please Let Me Come Home / God Bless Our Love / I Stand Accused / Love Me In Your Own Way / We’ve Only Just Begun / Just Another Morning / The Music Is Funky (Is It Alright))

Le premier album, parce qu’il contient la fameuse reprise de Al Green, God Bless Our Love. Super !

Pour en savoir plus : The Soul of New Orleans, A legacy of Rhythm and Blues de Jeff Hannusch, dans lequel l’auteur lui consacre un chapitre.