Chocolate Milk

(1974 - 1983)

Groupe

Funk

Début des années 70

Scénario classique : des copains, étudiants en musique à la Dillard University de New Orleans, montent un groupe de jazz afin de financer leurs études. Les quatre amis, Fred Riley à l’orgue, Amadee Castenell, Jr. au saxophone, son cousin Dwight Richards à la batterie et Joe Foxx (de son vrai nom Joseph Smith, un copain de lycée et fils d’un musicien professionnel qui jouait de la batterie dans Bourbon Street) à la trompette jouent six jours sur sept dans Bourbon Street. Avec le temps, le groupe s’étoffe, intégrant le chanteur Frank Richard, un autre étudiant de Dillard et copain de lycée d’Amadee Castenell, et les frères Dabon, Ernest à la basse et Robert aux claviers, en remplacement de Riley parti sur la côte ouest. Dès lors ils répètent dans le garage de la famille Dabon et commencent à enregistrer des démos.

1974 - 1976

Le groupe propose des démos au studio Sea-Saint d’Allen Toussaint et Marshall Sehorn qui décident de leur donner une chance et de les enregistrer. C’est augmenté du guitariste Mario Tio et du percussionniste Ken ‘Afro’ Wiliams, encore un ancien copain d’école, que le groupe entre en studio pour enregistrer les titres de leur premier album, avec Allen Toussaint à la production. Et comme le hasard fait parfois bien les choses, Tom Drapper de RCA, de passage à New Orleans pour une convention, passe au studio et entend les enregistrements du groupe. Dans la foulée, un contrat d’un an est négocié avec le label. Les huit membres de Chocolate Milk sont très liés, ce qui donne une grande cohésion à l’ensemble. Leur premier disque en est le fruit très réussi : un funk énergique et novateur. Son succès n’est pas usurpé, notamment grâce au savoir-faire du producteur Allen Toussaint et au niveau des musiciens, dont la plupart ont maintenant leur diplôme de professeur de musique en poche. La pochette, superbe …couleur chocolat, y participe également. Le titre Action Speaks Louder Than Words, publié à l’été 1975, restera 17 semaines dans le hit-parade R&B du Billboard, culminant à la 15ème place. Quant à l’album, il est publié trois mois après et monte jusqu’à la 34ème place.

Très tôt, Allen Toussaint a compris qu’il pouvait utiliser les musiciens du groupe pour d’autres productions. Dès janvier/février 1975, Ken ‘Afro’ Williams participe aux séances de Paul McCartney et son groupe Wings, venus enregistrer au studio Sea-Saint des titres de leur album Venus And Mars. Le groupe sera également de la fameuse soirée sur le Queen Mary organisée par McCartney le 24 mars 1975 aux côtés de Lee Dorsey, de Professor Longhair et des Meters ! (Les prestations de Professor Longhair et des Meters seront plus tard publiées). C’est aussi Chocolate Milk qui accompagne Allen Toussaint lors de son concert au Jazz Fest de 1976 qui sera aussi enregistré et publié. Le groupe donne alors beaucoup de concerts et part en tournée pour faire la promotion de son disque.

Vu les bons résultats du premier album, RCA renouvelle leur contrat. Un deuxième album est rapidement mis en boîte avec la même recette : même producteur, même funk moderne …et même style de pochette, très suggestive. Et ça marche, puisque l’album, publié début 1976, atteindra la 18ème place ! 

1976 – 1978

Pour le troisième album, le groupe s’adjoint les services d’un second guitariste, véritable soliste, en la personne de Steve Hughes, et d’un nouveau bassiste, David Barrard, qui remplace Ernest Dabon, écarté à cause de ses problèmes d’alcool. C’est donc un groupe de neuf  musiciens qui enregistre Comin’. Les deux nouveaux venus renforcent ce « swamp funk » toujours très arrangé et magistralement produit dans un esprit commercial. Malheureusement l’album, sorti fin 1976, ne marche pas vraiment, incapable de se hisser au-delà de la 56ème place du hit-parade R&B. Malgré cela, le groupe n’arrête pas de tourner tout en songeant au prochain album.

Comme il l’avait déjà fait, Toussaint va encore utiliser les musiciens du groupe pour d’autres productions. On le retrouve tout d’abord sur Ice On Fire des chanteurs jamaïcains des Mighty Diamonds, puis sur le Night People de Lee Dorsey, en 1978.

Pour l’album suivant, We’re All In This Together, le groupe prend donc son temps et accorde plus de latitude à Allen Toussaint. Le producteur s’implique encore plus que sur les trois albums précédents, ce qui va donner une musique plus mature …et un tube étincelant, au groove cuivré et sautillant, de plus de cinq minutes, Girl Callin’ (N° 14 début 1978).  Grâce à ce titre, Chocolate Milk obtient un énorme succès sur la côte ouest où ils deviennent de vraies vedettes qui remplissent les salles de concert.

1979 – 1980

Cette nouvelle notoriété va leur permettre d’enregistrer pour la première fois hors de New Orleans, à Hollywood, dans les studios Total Experience, le QG des frères Wilson et de leur Gap Band. Mais l’aventure s’arrête là pour David Barrard et Steve Hughes qui choisissent de quitter le groupe. C’est donc à sept que Chocolate Milk écrit les nouvelles chansons qui feront partie de Milky Way, le bassiste Clyde Toval étant seulement recruté pour l’enregistrement. L’album n’obtient pas le gros succès espéré mais marche quand même pas mal, à l’image du titre Say Won’tcha, N° 39 R&B ! Malgré tout, le groupe va persévérer sur sa lancée californienne. Maintenant réduit à six, Ken ‘Afro’ Williams ayant déserté, Chocolate Milk décide de travailler avec un nouveau producteur. Après six ans de collaboration, Allen Toussaint cède la place à George Tobin et Mike Piccirillo. Toujours enregistré à Hollywood, Hipnotism cède un peu à la mode du moment, tirant parfois vers le disco, mais ne rencontre toujours pas le succès escompté.

1981 – 1983

Toujours à la recherche du tube, le groupe finalement de changer à nouveau de producteur. Après divers contacts infructueux, leur choix se porte sur Allen Jones, le producteur des Bar-Kays …à Memphis. Virage à 180° pour Chocolate Milk qui n’écrit aucune chanson de l’album bien que Amadee Castenell et Joe Foxx se chargent des arrangements de cuivres. Le style évolue vers un funk urbain plus rude, plus éloigné de leurs racines néo-orléanaises. Les guitaristes Leo Nocentelli et Michael Toles sont appelés en renfort, ainsi que Winston Stewart, le clavier des Bar-Kays, et Marvell Thomas pour les arrangements de cordes. La musique est toujours de qualité, ce qui permet à l’album d’atteindre la 22ème place du hit-parade dans lequel il figurera pendant dix-huit semaines. Le titre qui donne son nom à l’album, Blue Jeans, obtiendra un mérité N° 15 !  Le groupe est toujours très actif, que ce soit sur scène ou en studio : Alen Jones les engage pour faire les arrangements de cuivres et jouer sur le nouvel album des Bar-Kays, Nightcruising.

Forts de ce succès, ils décident de poursuivre avec Allen Jones pour un nouvel album, en 1982. Le personnel du groupe est encore bousculé puisque Mario Tio est parti. Il ne reste maintenant plus que cinq des neuf musiciens de la grande époque. Pour l’enregistrement, le guitariste Kim Cochise Guidry, le bassiste Damond Jacob et le pianiste Paul Michael Goods complètent la formation. Mais ces musiciens, plus jeunes, ne s’intègrent pas vraiment, malgré leurs qualités. En effet, le résultat discographique est impeccable, un funk synthétique énorme au groove efficace, mais qui n’a plus grand-chose à voir avec le funk néo-orléanais de leur début. Le disque ne dépassera pas la 50ème position du hit-parade malgré une tournée avec les Bar-Kays. Du coup, à l’échéance de leur contrat, RCA ne décide de ne pas le renouveler. Ce qui malheureusement sonnera la fin du groupe qui se séparera en 1983 après une ultime tournée avec Kool & The Gang..

A l’instar des Meters, Chocolate Milk restera une référence du funk de New Orleans, à la fois grâce à leurs huit disques, mais aussi à la multitude de sessions auxquelles ils ont participées. Plus de vingt cinq ans après la séparation du groupe la magie opère toujours au cours de retrouvailles ponctuelles, comme ce fut le cas en novembre 2008 lors d’un concert exceptionnel à New Orleans.

La plupart des musiciens ont poursuivi une carrière de musicien, à l’image d’Amadee Castenell qui a publié deux albums avec Allen Toussaint, en 1996 et 1999.

Discographie

Action Speaks Louder Than Words

RCA

1975

Chocolate Milk

RCA

1976

Comin’

RCA

1976

We're All In This Together 

RCA

1977

Milky Way 

RCA

1979

Hipnotism

RCA

1980

Blue Jeans

RCA

1981

Friction

RCA

1982

Ice Cold Funk: The Greatest Grooves of Chocolate Milk

Razor & Tie

1998

Best of Chocolate Milk

Camden

2002

Mon choix : Action Speaks Louder Than Words (Action Speaks Louder Than Words  /Time Machine  / My Mind is Hazy  / Confusion  / Pretty Pimpin' Willie / Tin Man / Chocolate Pleasure / People / Ain't Nothing But a Thing / Out Among The Stars)

Pour un coup d’essai, il s’agit d’un véritable coup de maître. Le titre éponyme est un modèle du genre et les nouvelles générations ne s’y sont pas trompées en le samplant dès 1987 (Eric B. & Rakim sur l’album Paid In Full). Un groove d’enfer, un son moderne et une production raffinée font de ce disque un de ceux que l’on n’écoute toujours avec grand plaisir trente ans après sa parution.