Deacon John

(1941 - )

Guitariste / Chanteur / Chef d’orchestre

Quasiment tous les styles !

23/06/1941

Naissance de John Moore, dans le 8th ward, à New Orleans, en Louisiane. Le jeune John était le cinquième d’une famille de musiciens de treize frères et sœurs (son frère Charles sera un bassiste-guitariste professionnel, et sa sœur Sybil (Dr. Sybil Klein, aka Dr. Consuela Provost) une intellectuelle – poète, écrivain et musicienne créole – reconnue). Sa mère sut que son fils serait chanteur car il pleurait très fort lorsqu’il était bébé ! Comme beaucoup, John commença à chanter dans la chorale de son église. Il grandit en fait dans le 7th ward et ira  au fameux lycée St. Augustine. Il est en permanence entouré de musique – son grand-père jouait du banjo dans les Harrison’s Creole Serenaders – et en écoute souvent, soit grâce aux juke-box des bars du quartier, soit grâce aux 78t qui étaient passés dans les soirées privées.

Début des années 1950

Mais surtout, il eut la chance d’être sollicité par ses parents pour surveiller ses sœurs lorsqu’elles allaient à des soirées des lycées. C’est ainsi qu’il a l’occasion, dès le début des années 50, de voir Snooks Eaglin (au sein de Flamingos), Art Nevile (avec les Hawkettes) et Lil’ Millet and the Creoles. Grâce à sa voix, il intègre rapidement The Rockettes, un groupe créé sur le modèle des Hawkettes. Mais l’autre chanteur du groupe a plus de succès auprès du public féminin, et il préfère quitter le groupe. En fait, ce qu’il veut, c’est jouer de la guitare car il s’est rendu compte qu’il y avait beaucoup moins de concurrence ! Grâce à ses économies de livreur dans une épicerie, il s’achète une guitare électrique Supro dans un établissement de prêt sur gage, Abes’ Pawn Shop, sur Canal street. Il est autodidacte et apprend seul avec des méthodes achetées chez Werlein et en écoutant des disques. Il joue essentiellement d’oreille et n’a jamais réellement pris de leçon. Par contre, il va régulièrement chez Roy Montrell, Walter "Papoose" Nelson, Justin Adams et Prince La La pour leur demander des tuyaux.
Alors qu’i est encore au lycée, il forme son premier groupe, de quatre musiciens, The Original Echoes : lui-même chante et joue de la guitare, Terry DeRouen, un autre guitariste qui fait office de bassiste en ayant accordé sa guitare une octave plus bas, ainsi qu’un batteur et un saxophoniste. Mais le groupe ne dure pas très longtemps car DeRouen part en Californie avec sa famille et le saxophoniste entre à l’université. 

1957 – 1960

John Moore monte alors un nouveau groupe, The Ivories avec, entre autre, le saxophoniste Roger Lewis (Fats Domino, Dirty Dozen Brass Band) et le batteur Al Miller. Le nom du groupe trouve évidemment son origine dans les touches de piano mais est aussi un jeu de mot, dans la mesure où tous les membres du groupe son noirs ! C’est à cette époque qu’il acquiert son surnom de Deacon, qui provient en fait de la chanson Good Rockin’ Tonight de Roy Brown ! La chanson contenait initialement les vers suivants : « Well Deacon Jones and Nelda Brown / Two of the sleekest casts in town / They’ll be there, just wait and see / Stomping an’ jumping at the jamboree. » En fait,  c’est le batteur Al Miller, qui jouait aussi avec Roy Brown, qui suggéra le surnom de Deacon John après que le bassiste ait fait la remarque qu’avec ses cheveux courts et sa cravate, John lui faisait penser à un diacre (‘deacon’ en anglais).
The Ivories jouent dans les petits clubs noirs de la ville, mais deviennent également extrêmement populaires dans la communauté étudiante des universités de Tulane et LSU. Le groupe joue alors du R’n’B : Fats Domino, Bo Diddley, Chuck Berry, The Coasters.

1960 – 1962

En 1960, The Ivories deviennent le groupe régulier du Dew Drop Inn. Frank Pania, le patron, adore le groupe et devient plus ou moins son manager, lui permettant ainsi de se produire hors de la ville.
Quantité de gens du métier passent souvent au Dew Drop. Un jour, Allen Toussaint l’approche et lui dit : « J’aime bien ce que tu fais. Est-ce que ça te plairait de jouer lors de séances d’enregistrement ? » Le lendemain, Deacon John est en studio pour Lover Of Loves de Lee Dorsey ! Puis il joue sur Where There’s A Will There’s A Way d’Ernie K-Doe. Dès lors, Allen Toussaint l’utilise régulièrement et il devient son guitariste de session, aux côtés de Chuck Badie à la basse, John Boudreaux à la batterie et Red Tyler (saxophone baryton), Nat Perilliat (saxophone ténor) et Melvin Lastie (trompette) à la section de cuivres. Les sessions s’enchaînent : Benny Spellman, Esquerita, Irma Thomas, Eldridge Holmes, Lee Diamond, Chris Kenner …à raison de 50 dollars par musicien pour une séance de quatre titres. Selon Deacon John, il a joué sur 90% des titres parus sur Minit. Il profite également du fait que la plupart des guitaristes de session comme Roy Montrell, Papoose Nelson, Edgar Blanchard et Justin Adams doivent parfois partir en tournée ; c’est alors lui que l’on appelle. Malheureusement, bien qu’Allen Toussaint ait évoqué le fait d’enregistrer Deacon John pour le label, ça ne s’est jamais produit !

1962 – 1964

C’est donc sur Rip Records, le label de Rip Roberts, que Deacon John sort son premier disque : I Can’t Wait / When I’m With You, deux chansons écrites respectivement par Earl King et Al Reed. C’est Wardell Quezergue qui joue du piano et qui fit les arrangements de cordes. Un autre titre, Preacher Man, est enregistré pour Rip ; il fut cédé à Friso Records mais jamais publié. Il semble malheureusement que les bandes soient maintenant disparues. Le disque passa bien en radio, mais rien ne se passa vraiment. The Ivories restèrent cependant très actifs et John Moore était régulièrement sollicité pour des sessions avec Allen Toussaint, mais aussi pour Dave Bartholomew (Imperial), Harold Batiste et Red Tyler (AFO). Mais l’année 1964 marque un grand changement dans l’industrie musicale à New Orleans, mais aussi da façon générale dans tout le pays. En plus de l’invasion britannique, la plupart des labels de New Orleans déménagèrent, furent vendus ou disparurent et, du coup, il n’y avait plus beaucoup de travail. Les goûts du public étaient en train de changer.

1964 – 1967

Deacon John, contrairement à beaucoup d’autres musiciens locaux, apprécie les Beatles et leur nouveau son. Son public étant principalement composé d’étudiants, il dû s’adapter et son groupe réussit à rester en place. A l’époque, il a un orchestre fantastique qui  comprend Zigaboo Modeliste (le futur Meters) à la batterie, James Rivers au saxophone ténor, George French à la basse, Sammy Berfect aux claviers, Sam Alcorn à la trompette et une chanteuse prénommée Veronica.

1967 – 1968

En 1967, alors qu’il joue lors d’une session avec the Aubry Twins, il fait la connaissance de leur manager Stanley Chaisson, qui est également commercial pour la marque de distribution All South Distributors. Moore signe un contrat avec Chaisson et publie son deuxième 45t, Haven’t Been Good To You / A Dollar Ninety Eight, sur Wand Records sous le nom de Johnny Moore. Mais le contrat s’avère un vrai piège pour Deacon John. Chaisson veut imposer ses conditions et partager les droits d’auteur. Deacon John se retrouve pieds et poings liés pour une durée de dix ans alors qu’il avait initialement signé pour cinq ans, pendant lesquels il ne pourra quasiment pas enregistrer !
Cette même année, 1967, Moore fait une découverte : un ami lui a parlé d’un nouveau guitariste du nom de Jimi Hendrix. Curieux, John achète son premier disque Are You Experienced? et comprend que c’est le style de musique qu’il a envie de faire. Du coup, il s’achète une vielle strat d’occase parce que c’est la guitare de Jimi. Il va même le voir jouer en concert à Baton Rouge et, après ça, sa musique devient plus "hard". Malheureusement, à ce moment-là, il contracte une hépatite et doit s’arrêter plusieurs mois. The Ivories continuent, mais sans Deacon John pour les diriger, ils finissent par se séparer.

1968 – Milieu des années 1970

Une fois remis sur pieds, il forme un nouveau groupe qu’il appelle Deacon John and the Electric Soul Train. Fini les cuivres ; il s’agit d’un quartet psychédélique, avec effets divers, musicaux et visuels, et vêtements à la mode ! Ils se produisent notamment au Night Cap, sur Louisiana Avenue, là où The Meters ont débuté. Le succès est au rendez-vous et le public se presse pour les voir. Des artistes comme Art et Cyril Neville font, un temps, partie du groupe. Lors de sa période psychédélique, Deacon John est aussi le premier musicien de rock à avoir joué avec le New Orleans Symphony Orchestra.
En 1970, Stanley Chaisson lui propose d’enregistrer la chanson de Jimmy Cliff, Many Rivers To Cross, bien que d’un style assez éloigné de ce qu’il fait en concert. Le titre est enregistré au Deep South Recording Studio de Baton Rouge et Chaisson y adjoindra des cordes. Le disque, avec You Don’t Know How (To Turn Me On) en face B, est publié chez Bell qui le distribue dans tout le pays, sous le non de Deacon John Moore. Bien que les ventes soient honorables localement et que le disque soit sa meilleure vente, ça ne donne pas grand-chose et The Electric Soul Train continue son bonhomme de chemin à New Orleans en jouant du rock.

Milieu des années 1970

Milieu des années 1980

Puis arriva le Disco ! Bien entendu, Deacon John prit le train en marche et se mit à jouer du disco. Mais en 1978, la sortie du film de John Landis Animal House va un peu bouleverser ses projets. En effet, le succès du film remit la musique du début des années 60 au goût du jour (Louie Louie, Twistin’ The Night Away, Let’s Dance, Shout, etc…). Il eut alors à faire face à une forte demande de la part du milieu étudiant qui voulait un groupe qui jouait cette musique. Il réembaucha des cuivres et son activité reprit de pus belle en jouant les titres cette l’époque ! Parallèlement, ne pouvant se cantonner à un seul style, Deacon john se mit à jouer du blues urbain, dans le style de Bobby Bland, Little Junior Parker, Elmore James et B.B. King ! Du coup, il commença également à donner des cours de blues à l’école publique de New Orleans.

Milieu des années 1980 – 1990

Il se met ensuite à la slide guitare après avoir vu Lenny McDaniel en jouer dans un magasin d’instruments de musique. Fort de cette nouvelle technique, il créé la New Orleans Blues Revue qui, avec le temps, va voir défiler des artistes comme Earl King, Chuck Carbo, Joseph “Mr. Google Eyes” August, J.D. Hill, Juanita Brooks, Sadie Blake, Walter Washington et J. Monque’D.

1990 – 1992

Bien que jouant maintenant du blues sur scène, il enregistre un album de pop, Singer Of Song, qu’il produit lui-même avec George Davis espérant ainsi être plus facilement diffusé en radio. Malheureusement, après sa sortie, aucune station de radio ne le diffusa !

1992 – 1999

En 1992, il décide d’avoir un rôle plus actif au sein de l’organisation professionnelle de musidien à laquelle il adhère depuis 1958. Il est élu au bureau de la Musicians Mutual Protective Union Local 174-496 qui s’occupe d’assurance, de tarifs et de gestion de sessions d’enregistrement. Après presque quarante ans dans le métier, il pense avoir acquis les capacités à aider les autres musiciens et s’évertue de faire évoluer les choses.

1999 – 2003

Connaissant bien le milieu, il décide en 1999 de publier son nouveau CD lui-même. La radio WWOZ avait enregistré sa prestation lors du New Orleans Jazz & Heritage Festival de 1994 et en possédait donc les droits. Deacon John savait que la qualité était au rendez-vous et il négocia donc avec Quint Davis et obtint la possibilité de distribuer lui-même le CD.
L’année suivante, en 2000, il est intronisé au Louisiana Blues Hall of Fame.

2003

Au début des années 2000, Deacon John et le producteur Cyril Vetter se lancent dans un fabuleux projet. Avec certains des plus grands noms de la musique de New Orleans, ils vont célébrer le meilleur du New Orleans Rhythm and Blues et rendre hommage à des artistes tels que Smiley Lewis, Shirley & Lee, Dave Bartholomew, Fats Domino, Professor Longhair, Dr. John ou Johnny Adams. Outre le CD, le projet, intitulé Deacon John’s Jump Blues, inclut un fantastique concert qui est enregistré et publié en DVD, auquel participent des gens comme Allen Toussaint, Dr. John, Henry Butler, Davell Crawford, Teedy Boutté, Amadee Castenell et The Zion Harmonizers, sous la direction de Wardell Quezergue. Le son est gigantesque : bénéficiant des techniques actuelles d’enregistrement, des micros et amplis de l’époque, ils ont réussi a retrouver le son et l’esprit des classiques du R’n’B de New Orleans. Le projet est encensé, notamment dans les médias locaux : en 2003 Gambit Magazine désigna Deacon « Best Male Performer », « Best Rhythm and Blues Artist and Entertainer of the Year » et Offbeat magazine lui attribua le prix de l’« Album of the Year » ainsi que « Overall Band of the Year » et « Best R&B/Funk/Soul Band ». Rien que ça !!!

Depuis 2003

Deacon John, qui a reformé The Ivories, continue de se produire régulièrement à New Orleans.
À l’invitation du
President George W. Bush, il joua lors du ‘Congressional Ball’ de 2005 à la Maison Blanche à Washington.
Continuant son implication dans le business, il sera finalement élu président de la Musicians Mutual Protective Union Local 174-496, le 25 juillet 2006.
Tragiquement, le 10 avril 2007, il perdra son fils Keith, tué par balle à l’âge de 42 ans, à New Orleans. Keith était connu à New Orleans en tant qu’artiste de musique ‘ambient’ et fondateur de Noizefest, un festival alternatif, complément modern au célèbre NOJ&HF.
En janvier 2008, Deacon John anime les cérémonies d’investiture du nouveau gouverneur de l’état, Bobby Jindal, avant d’être, le 24 avril de la même année, intronisé au Louisiana Music Hall of Fame.
En 2010,
Offbeat le magazine musical de New Orleans lui attrinue son « Lifetime Achievement Award », reconnaissance d’une extraordinaire carrière.
Depuis, il est honoré quasiment chaque année par une organisation musicale !
En 2019, il publie deux reprises du groupe australien Crowded House, toujours en collaboration avec Cyril Veter.

Qualifié de “New Orleans Creole Chameleon” par Jeff Hannusch, Deacon John est effectivement un musicien très éclectique qui, tout au long de sa longue carrière, aura joué du rhythm and blues, du rock’n’roll, du rock anglais, de la musique psychédélique, de la pop, de la soul, du disco et du blues.
Même sans le savoir, on l’a tous entendu si l’on a écouté des chansons comme Ruler Of Mu Heart par Irma Thomas, Working In The Coal Mine par Lee Dorsey, Tell It Like It Is par Aaron Neville, Barefootin’ par Robert Parker, She Put The Hurt On Me par Prince La La, Land Of 1,000 Dances et I Like It Like That par Chris Kenner ou Mother-In-Law par Ernie K-Doe, pour ne citer que celles-là.

Discographie

Singer Of Song

Singer Of Song

1990

Live at the New Orleans Jazz & Heritage Festival 1994 (réédité en 2007)

RedBone

1999

Deacon John’s Jump Blues

VCC (Vetter Communication Corporation)

2003

Crowded Shotgun House (EP 2 titres)

VCC

2019

Mon choix : Deacon John’s Jump Blues (Jumpin' in the Morning / Nobody Knows You When You're Down and Out / I Didn't Want to Do It / Jesus Is On the Main Line / Someday / Hook, Line and Sinker / Go On Fool / Losing Battle / Let the Good Times Roll / Feel So Good / Piece of My Heart / Tipitina / Going Back to New Orleans / Nobody Knows You (Reprise))

Superbe projet et superbe résultat ! Quel plaisir de réécouter ces chansons jouées avec tant de talent et d’envie. La visualisation du DVD ne fait que confirmer l’impression de l’écoute du CD : dommage que je n’y étais pas !

Pour en savoir plus : The Soul of New Orleans, A legacy of Rhythm and Blues de Jeff Hannusch, dans lequel l’auteur lui consacre un chapitre.

Films : Deacon John’s Jump Blues, DVD, 2003 ; Going Back To New Orleans: The Deacon John Film ;

Internet : www.deaconjohnsjumpblues.com ; www.deaconjohnandtheivories.com