Lee DORSEY

(1926 – 1986)

Chanteur

Rhythm and Blues / Soul / Funk

24/12/1926

Naissance, à New Orleans, de Irving Lee Dorsey (et non pas en 1924 comme l’indiquent certaines sources !) Il grandit dans le fameux Ninth Ward de New Orleans où il a comme meilleur ami le jeune Antoine ‘Fats’ Domino, de deux ans son ainé, et où ses copains l’appelle ‘Bubba’. Il a dix ans lorsque, son père ayant trouvé du travail à Portland, il émigre dans l’Oregon, avec ses parents et ses deux frères. Pendant un temps, il s’intéresse à la musique hillbilly et va jusqu’à écouter les retransmission radiophoniques du Grand Ole Opry et s’essaye même au ‘yodel’ à la façon de Jimmie Rodgers. Après le lycée, Lee n’a pas vraiment le choix : la guerre est déclarée et il doit intégrer la Navy. Lee Dorsey va alors servir sa patrie en tant que mitrailleur sur un destroyer et participer à la bataille du Pacifique Sud. Un éclat d’obus dans une jambe mettra fin à son aventure en mer.

1945 – 1955

Après la guerre, Lee va se chercher un moment avant de se décider à pratiquer la boxe ! Il avait des copains qui fréquentaient une salle de boxe et il se mit à les accompagner. Jusqu’au jour où il se rendit compte qu’il était capable d’en battre certains. Il s’investit alors encore plus pour combattre et devenir professionnel. Il adopta le nom de ‘Kid Chocolate’ et devint un boxeur réputé dans la région du nord-ouest dans la seconde moitié des années 40, combattant dans les catégories poids plume et poids léger.

1955 – 1957

En 1955, il abandonne finalement la boxe et décide de rentrer dans sa ville natale. De retour à New Orleans, il choisit d’apprendre la carrosserie et la mécanique pour travailler dans un garage et réparer des voitures. A cette époque, il ne pense pas à devenir chanteur mais, pendant son temps libre, se rend souvent au Dew Drop Inn, sur Rampart Street, là où il y a de l’animation ! Il se fait embaucher par Ernie the Whip, un DJ de New Orleans qui gère également une carrosserie en complément. Marié et avec une femme enceinte, Lee n’aspire qu’à gagner suffisamment d’argent pour monter son propre garage. Mais le hasard va en décider autrement…

1957 – 1961

« J’avais l’habitude de chanter en travaillant. Mais je ne pensais pas du tout à faire des disques. Et un jour, un gars est venu récupérer sa voiture ; c’était Reynaud Richard, un producteur de disques indépendant. J’étais sous une voiture à taper avec un marteau tout en chantant lorsqu’il me dit : « Eh, tu voudrais pas faire un disque ? » « Bien sûr » Ai-je répondu, sans imaginer qu’il était sérieux. Mais pourtant, il l’était ! Ce jour-là, il me donna 50 dollars et me dit de passer au studio de Cosimo, rue du Governor Nicholls. Je suis donc passé au studio après le travail, mais je n’avais pas de chanson. Alors Richard me demanda si je pouvais écrire un poème. Evidemment, dis-je.» Voilà comment tout a commencé. Lee a donc écrit Rock, Pretty Baby et Lonely Evening. Les deux chansons furent enregistrées et publiées sur Rex Records (Rex 1005), le label de Cosimo Matassa, distribué par Ace Records. Les ventes furent suffisamment bonnes pour inciter Richard à refaire venir Lee en studio pour une nouvelle séance, un mois plus tard. C’est lors de celle-ci qu’est enregistré le titre Lottie-Mo qui va le propulser sur le devant de la scène ! En effet, la chanson,  publiée tout d’abord sur le label Valiant de Joe Banashak et Irving Smith, avec Lover Of Love en face B, devint un tube local si important qu’ABC-Paramount la racheta pour une distribution nationale. Elle n’entra cependant pas dans le Hot 100 mais cela l’amena tout de même sur les scènes du pays et ainsi à passer dans l’émission de télévision American Bandstand. Ce titre marqua en fait le début d’une longue collaboration entre le chanteur et Allen Toussaint, le producteur de la séance. Malgré la timidité de Lee Dorsey, il devint rapidement un expert de la scène et se produisit régulièrement au fameux Dew Drop Inn. Il fit partit également d’une tournée organisée par Hosea Hill de Thibodeaux pendant laquelle il était accompagné par l’orchestre de Lloyd Lambert et faisait la première partie de Guitar Slim. Ayant naïvement cédé ses droits à Richard, ces prestations scéniques furent les seules retombées financières que lui rapportèrent ses deux premiers disques, hormis les 50 dollars initiaux ! Devant cette situation et sur les conseils d’Allen Toussaint, il revint à ses activités de carrossier en attendant que son contrat avec Richard expire, se produisant seulement de temps en temps pendant les week-ends.

1961 – 1963

Les choses vont s’accélérer en 1961 lorsque Marshall Sehorn, alors chez Fire/Fury Records, entend Lottie-Mo lors d’un séjour promotionnel à New Orleans. Il pensa tout d’abord qu’il s’agissait d’un pseudonyme de Ray Charles avant d’apprendre que Lee Dorsey était un employé d’un garage local. Dès son retour à New York, Sehorn parla de sa découverte à Bobby Robinson, son patron. Peu de temps après, ce dernier, de passage à New Orleans après une convention du disque à Miami, se mit en quête de Lee Dorsey. Ils se rencontrèrent, mais Lee n’avait pas de chanson à enregistrer ! Encore une fois, la chance fut de leur côté : inspiré par des échanges verbaux entre gamins qui s’amusaient devant l’épicerie voisine, Lee se mit à écrire : « Sittin’ In La-La, waitin’ for my Ya-Ya… ». Enthousiaste,  Robinson voulut organiser une séance dès le lendemain avec Allen Toussaint. Mais celui-ci, sous contrat avec Minit, ne pouvait pas. Il donna donc les arrangements à Marcel Richardson qui fit la session. La chanson, Ya-Ya, avec son rythme lancinant, fit un carton dans les hit-parades, atteignant la première place R&B et la septième du Hot 100 fin 1961 ! Et elle lui rapporta son premier disque d’or. Lee mit de nouveau de côté ses marteaux et reprit la route avec un tout nouveau groupe. Il tourne alors avec des artistes comme Big Joe Turner, Chuck Berry ou T-Bone Walker, effectuant même une tournée de soixante et une soirées consécutives avec James Brown and the Famous Flames. Son disque suivant, toujours sur Fury, fut Do-Re-Mi, écrit cette fois-ci par Earl King, fit également son entrée dans les Charts. Fury publia encore trois 45t puis l’excellent album, tout simplement intitulé Ya-Ya, en 1962. Malheureusement, l’aventure se termina avec la faillite de Fire/Fury en 1963 et le départ d’Allen Toussaint sous les drapeaux.

1963 – 1965

Lee Dorsey ne se laissa pas démonté par tout ça. Il continua à se produire plus ou moins régulièrement et reprenait son boulot de carrossier lorsqu’il rentrait à la maison, pour assurer les fins de mois. Marshall Sehorn organisa quelques séances d’enregistrement pour les labels Smash et Constellation, avec Harold Batiste comme producteur. Mais, bien que de qualité, les disques restèrent dans les entrepôts des distributeurs.

1965 – 1970

En 1965, Marshall Sehorn décida de reprendre les choses en main et demanda à Allen Toussaint de produire une nouvelle session de quatre titres au studio de Cosimo Matassa pour, ensuite, chercher une compagnie de disques qui serait intéressée. Il parvint à céder les chansons à Amy/Bell Records et grâce à Ride Your Pony, Lee Dorsey retrouva le chemin des hit-parades pour la première fois depuis quatre ans et remisa une fois de plus ses outils. Ride Your Pony marqua le début d’une impressionnante série de tubes pour Lee Dorsey, ainsi que d’une des associations les plus productives du milieu de la musique, entre Marshall Sehorn et Allen Toussaint. Rien qu’en 1966, le trio produisit Get Out Of My Life Woman, Workin’ In A Coalmine et Holy Cow. Et Lee Dorsey obtint son deuxième disque d’or avec Workin’ In A Coalmine. Cette même année, Lee effectua son premier voyage en Europe et passa trois mois en Angleterre, se produisant notamment avec les Rolling Stones et les Beatles. La période faste de Lee Dorsey prendra fin en 1967 avec deux nouveaux titres à entrer dans les hit-parades,  My Old Car – initialement une publicité pour Coca-Cola ! – et Go Go Girl. Cependant, il continue à enregistrer et à se produire dans tout le pays. A partir de 1969, Toussaint le fait accompagné par les Meters, ce qui lui donne un son plus funky. Ce sera particulièrement évident sur Everything I Do Gonna Be Funky, son tube de 1969. En 1970, Marshall Sehorn négocia un contrat avec Polydor qui aboutit au fantastique LP Yes We Can et aux trois 45t qui en seront extraits. L’association Toussaint/Dorsey fait alors des merveilles. Malheureusement, malgré la qualité évidente des chansons, les ventes sont décevantes et le meilleur score sera la 46ème place obtenue par Yes We Can. D’ailleurs, cette chanson sera reprise maintes fois plus tard, notamment par les Pointer Sisters qui en feront un tube en 1973.

1970 – 1979

Durant les années 70, Lee Dorsey mit sa carrière un peu entre parenthèses, reprenant plus ou moins son métier de carrossier, alors que Toussaint et Sehorn développaient le fameux Sea-Saint studio et enregistraient pour d’autres labels. En 1976, il chante le titre How Come You Treat Me So Bad? avec Southside Johnny sur son album I Don’t Want To Go Home. Mais, ce n’est vraiment qu’en 1977 qu’il retrouve le chemin du studio pour l’album Night People. Celui-ci est publié chez ABC qui sort également un 45t. Mais, encore une fois, malgré la qualité et la bonne tenue dans les hit-parades locaux, le succès national n’est pas au rendez-vous. Lee Dorsey n’en poursuit pas moins sa carrière, cette fois avec un groupe de musiciens blancs, SKOR, qui enregistre également pour Sea-Saint.

1979 – 1986

Mais Lee est brutalement stoppé dans son élan en 1979 lorsque, alors qu’il est sur le vélo de son fils, il est percuté par une voiture qui tente d’échapper à la police ! Le conducteur s’échappera et ne sera malheureusement jamais retrouvé. Lee, par contre, a les jambes brisées et les médecins pensent qu’il ne pourra jamais remarcher. Lee ne jette pas l’éponge et ira même se produire sur une chaise roulante lors du Jazz Fest de 1980, pour le plus grand bonheur des milliers de personnes présentes. A l’automne 1980, il est de nouveau sur ses jambes et va s’embarquer dans une des plus improbables aventures de sa carrière ! En effet, il est engagé pour effectuer la première partie de la première tournée des Clash aux Etats-Unis. Ce fut une superbe expérience car sa musique passait vraiment très bien auprès de ce public. Après cela, il reprit ses activités à New Orleans, travaillant de temps en temps dans la carrosserie de son fils, sur North Prieur, et se produisant régulièrement dans les clubs de la ville et de ses environs.

01/12/1986

Lee Dorsey décède à New Orleans, des suites d’un emphysème, sans doute dû à la cigarette et aux fumées qu’il inhalait dans les garages où il travaillait ; il n’avait que 61 ans.

Lee Dorsey, avec sa voix éraillée, fut l’écrin dont bénéficia Allen Toussaint pour sa musique. L’association donna une des musiques les plus enthousiasmantes qui soit, établissant le lien entre une soul néo-orléanaise et un funk intemporel, adopté depuis par tous les grands artistes du genre.

Il reste l’une des grandes influences de cette époque pour d’innombrables artistes de Hip-Hop ; en effet, Get Out Of My Life, Woman demeure l’une des chansons les plus ‘samplées’ du Hip-Hop.

Il suffit de constater la quantité impressionnante d’albums et compilations en tous genres dans lesquels il apparaît. Tout le monde a, au moins une fois dans sa vie, entendu une chanson de Lee Dorsey !

Discographie

Ya Ya

Fury

1962

Ride Your Pony

Amy (US) / Stateside(GB)

1965

The Best Of Lee Dorsey

Sue

1965

The New Lee Dorsey : Working In A Coalmine - Holy Cow

Amy (US) / Stateside(GB)

1966

The Best Of Lee Dorsey

Regal

1966

Greatest Hits

Bell (US) / Sounds Superb (GB)

1968

Yes We Can

Polydor

1970

Night People

ABC

1978

Ya Ya

Victor (Japon)

1980

Gonh Be Funky!

Charly

1980

All Ways Funky

Charly

1982

Can You Hear Lee Dorsey? (The Best Of Lee Dorsey) (2 LP – a priori, les 2 Charly de 80 & 82)

Line (Allemagne)

1982

Holy Cow! The Best Of Lee Dorsey

Arista

1985

Am I That Easy To Forget? (2 LP)

Charly

1987

Can You Hear Me

Charly

1987

Golden Classics

Collectables

1990

Working In a Coalmine

Charly

1991

Great Googa Mooga (2 CD)

Charly

1991

Soul Mine

Charly

1993

Yes We Can And Then Some

Polydor

1993

The Hits

Music & Sounds

1994

Ya Ya (Best Of)

Relic

1994

Freedom For The Funk

Charly

1994

Get Out Of My Life Woman

Carlton

1995

Lee Dorsey

Pickwick

1995

His Greatest Hits

Audio Books & Music

1996

The Definitive Collection

Sony

1997

The Masters

Eagle

1997

Rhythm & Blues – Vol. 3

Gib

1997

Wheelin’ And Dealin’ : The Definitive Collection

Arista

1997

20 Greatest Hits

Sony

1999

The EP Collection

See For Miles

2000

Working In A Coalmine: The Very Best Of Lee Dorsey

Music Club

2001

Yes We Can / Night People

Raven (Australie)

2005

New Orleans Soul

Sony / BMG

2005

The Best Of Lee Dorsey

Repertoire

2006

Holy Cow: The Very Best Of Lee Dorsey

Charly

2006

Funky As I Can Be!

Great American Music

2008

Wilbert Harrison Meets Lee Dorsey

Collectables

2009

Mon choix : Yes We Can (Yes We Can, Pt. 1 / Riverboat / Tears, Tears, and More Tears / O Me-O, My-O / Sneakin' Sally Through the Alley / Yes We Can, Pt. 2 / Who's Gonna Help Brother Get Further? / Games People Play / When the Bill's Paid / Occapella / Gator Tail / Would You?)

La perle ! LE disque de soul/funk par excellence, concocté par deux artistes d’exception, Allen Toussaint et Lee Dorsey. L’album est devenu un classique légendaire, recherché par tous les amateurs de musique de New Orleans. Indispensable !!!

Pour en savoir plus : Le livre I Hear You Knockin' dans lequel Jeff Hannusch lui consacre un chapitre.