Snooks
EAGLIN (1936 - 2009) |
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Guitariste - Chanteur |
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Blues / Rhythm’N’Blues |
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21/01/1936 |
Naissance de Fird Eaglin, Jr. à New Orleans.
Dix-neuf mois après sa naissance, suite à une opération en urgence afin de
lui enlever une tumeur au cerveau, il devient aveugle. Cela ne va pourtant
pas l’empêcher d’être un gamin turbulent et de faire des bêtises, comme tous
les enfants. C’est d’ailleurs ce qui va lui valoir son surnom : « A
l’époque, il y avait une émission de radio avec un personnage appelé Baby
Snooks qui s’attirait sans arrêt des ennuis » racontait-il. « Comme
c’était aussi mon cas, les gens se mirent à m’appeler Snooks. » Il a
cinq ans lorsque son père lui offre sa première guitare, une Harmony
acoustique bon marché. Comme il est aveugle, Snooks est souvent à la maison
et a donc du temps pour apprendre à en jouer en écoutant la radio. Son père,
également harmoniciste, acheta une machine d’occasion pour faire des disques.
Tous les deux, ils se mirent à créer des acétates qu’ils écoutaient ensuite
sur leur lecteur de 78t. A dix ans, il chante et accompagne déjà des groupes
de gospel dans les églises baptistes. |
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1947 – 1950 |
Snooks apprend vite. A onze ans, il remporte les 200
dollars d’un concours organisé par la station de radio WNOE en jouant Twelfth Street Rag. Et c’est à la même
époque qu’il intègre son premier groupe avec Joe Simon à la batterie et Bill
Sinigal au saxophone. Il acquiert sa première guitare électrique, une
Twintone, à quinze ans. Il intègre ensuite l’école pour aveugles de Louisiane, à Scotlandville, qu’il quittera
rapidement pour devenir musicien professionnel ; il n’a, alors, que
quatorze ans ! |
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1950 – 1958 |
De retour à New Orleans, il se rend souvent au
magasin de souvenirs de Victor Augustine sur Dryades Streets. Augustine, qui
écrivait aussi des chansons, possédait une salle de répétition et, pendant un
temps, a même créé son propre label, Wonder. Il enregistra le jeune
guitariste et publia, en 78t, un gospel, enregistré dans ses locaux, intitulé
Jesus Will Fix It et attribué à
Blind Fird (ou Jesus Will Fix It For You
par Blind Guitar Ferd, selon d’autres sources), avec Traveling On, en face B. C’est aussi à cette époque qu’il fut
embauché par Sugar Boy Crawford pour remplacer Irving Banister, appelé sous
les drapeaux. Cette association sera immortalisée lors de la session
d’enregistrement historique de novembre 1953, qui produisit le titre Jockamo, désormais classique du
carnaval et futur Iko Iko, dans
lequel la guitare incisive de Snooks fait merveille. De retour de l’armée,
Banister reprit sa place au sein du groupe de Crawford et Snooks, 16 ans, rejoint
alors The Flamingos, le groupe d’Allen Toussaint, un autre jeune musicien de
14 ans, avec lequel il joue dans les soirées de lycée ou d’association.
« Snooks était déjà un vrai phénomène, » raconte Toussaint.
« Tout était centré sur sa guitare. Quelqu’un dans le public pouvait
nous demander de jouer n’importe quelle chanson du moment, Snooks la jouait
note pour note. Il ne nous restait plus qu’à essayer de le suivre. »
Vers le milieu des année 50, Snooks est déjà considéré comme l’un des meilleurs
guitaristes de la ville. C’est lors d’un concert des Famingos durant le Mardi
Gras 1958 que Snooks rencontra Dorothea ‘Dee’ (il l’épousera en 1961). |
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1958 – 1960 |
Les folkloristes Dr. Harry Oster et Richard Allen
entendirent parler lui et se rendirent chez lui. Ils trouvèrent un jeune
guitariste de 21 ans en train de jouer sur le porche de sa maison. En mars 1958,
ils enregistrent 57 titres ; du blues traditionnel bien sûr, mais aussi
des chansons populaires, du gospel, du rhythm and blues, du rock and roll et
du dixieland. Il sait jouer de tout ! Certains titres furent enregistrés
avec deux de ses copains, Percy Randolph à l’harmonica et Lucius Bridges à la
planche à laver. Tous ces enregistrements seront publiés sur les labels Folkways
de Moe Asch, Folk-Lyric d’Oster lui-même et Storyville, le label du suédois Karl
Emil Knudsen, et feront l’objet de maintes rééditions, notamment sur Arhoolie.
Mais, contrairement à ce qu’on voulut faire croire Oster et Allen avec des
titres d’album comme New Orleans Street
Singer, Snooks n’a jamais été un musicien de rue ! Il n’avait pas
besoin de cela, se faisant suffisamment d’argent en jouant dans les clubs de
la ville. Snooks tenta de persuader Oster d’enregistrer les Flamingos, en
vain et, lorsqu’Allen Toussaint fut engagé pour partir en tournée avec
Shirley & Lee, le groupe se sépara. Snooks entama une carrière solo, tout
d’abord se faisant appelé Li’l Ray Charles et devenant une attraction
populaire dans les clubs. Bien entendu, il reprenait une grande partie du
répertoire de Ray Charles et se produisit notamment au Dew Drop et au Rip’s
Playhouse. |
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1960 – 1963 |
En 1960, il signe un contrat avec Dave Bartholomew,
alors le représentant du label Imperial à New Orleans. Bartholomew va alors
enregistrer Snooks Eaglin avec diverses formations et des musiciens de studio
comme James Booker, Bob French, Frank Fields et Clarence Ford, de façon
étonnante, sous le nom de ‘Ford’ Eaglin. Mais les deux hommes ne s’entendent
pas très bien et, malgré la qualité des disques, les ventes seront juste
suffisantes pour que le label le garde jusqu’en 1963, date de la vente du
label à Liberty. |
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1963 – 1970 |
Après Imperial, il ne sortira qu’un seul single
pendant les années 60, avec Cheetah
et Sweetness, deux titres
humoristiques parus sur le petit label Fun. En effet, la fameuse British
Invasion set passée par là ! A la fin des années 60, il déménage avec sa
famille à Donaldsonville. Là, il se produit au Town and Country Club ainsi
que dans pas mal d’autres clubs le long du Bayou Lafourche, avec son fils à
la batterie. |
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1970 – 1978 |
En 1970, Snooks s’établi à St. Rose, un village dans
la Paroisse de Jefferson, non loin de New Orleans. Il retrouva une certaine
popularité en jouant au Playboy Club – où il restera trois ans – ainsi qu’en
se produisant lors du NOJ&H Festival où, grâce à Quint Davis, il
accompagne Professor Longhair. Les carrières des deux hommes vont un temps se mêler, effectuant des tournées, à
Washington, à Londres, et enregistrant
ensemble, notamment à Baton Rouge en septembre 1971 et à Memphis en juin
1972 (le résultat de ces séances seront finalement publiées en 1987 par
Rounder et obtiendront un Grammy Award). En 1971, Sam Charters, pour Sonet
records, lui fit enregistrer quelques titres qui furent publiés dans le cadre
de la série Legacy of the Blues.
Toujours par l’intermédiaire de Quint Davis, il participe ensuite à
l’aventure des Wild Magnolias qui enregistrent les deux premiers albums de
musique des Mardi Gras Indians de l’histoire, en 1974 et 1975. Sonet le sollicite
à nouveau pour un nouvel album, Snooks
Eaglin Today: Down Yonder, publié en 1978. |
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1978 – 1986 |
Pendant une longue période, et malgré quelques
propositions, Snooks Eaglin restera éloigné des studios d’enregistrement. Il
se produit occasionnellement dans des clubs comme le Tipitina’s et, bien sûr,
lors du Jazz Fest, jouant souvent avec l’ancienne section rythmique des
Meters, le bassiste George Porter, Jr. et le batteur Zigaboo Modeliste. |
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1986 – 1999 |
En 1986, Hammond Scott, le patron et producteur de
Black Top records, réussit à persuader Snooks Eaglin de reprendre le chemin
des studios pour y enregistrer de nouveaux titres. La parution de Baby You Can Get Your Gun!, en 1987,
marque le début d’une longue collaboration entre les deux hommes. En dix ans,
cinq superbes CDs seront produits pour le plus grand plaisir de ses fans.
Snooks réussit enfin à toucher un large public et devient une des grandes
figures de New Orleans. Il effectue également plusieurs tournées en Europe et
au Japon dans les années 90. Il joue souvent avec le groupe de George Porter,
Jr. et remplit régulièrement le Mid-City Rock and Bowl où il joue plusieurs
fois par mois. Ses concerts sont très appréciés car toujours imprévisibles,
le chanteur pouvant tout aussi bien jouer des titres de ses CDs que des
reprises de vieux R’n’B ou une ritournelle entendu récemment à la radio. Pendant
cette période, Snooks donna aussi un coup de main à d’autres artistes de New
Orleans de chez Black Top en participant à divers projets du guitariste Earl
King (Sexual Telepathy, 1990 ; Hard River To Cross, 1993),
du chanteur Tommy Ridgley (Since The Blues Began, 1996) et du pianiste
Henry Butler (Blues After Sunset, 1998). Black Top cessa ses activités
en 1999, laissant Snooks sans contrat discographique. |
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1999 – 2009 |
Cependant les frères Scott entreprirent une dernière
aventure avec lui en le faisant enregistrer avec le groupe de Jon Cleary, The
Absolute Monster Gentlemen, ainsi que le bassiste Erving Charles, le batteur
Raymond Weber et le saxophoniste Tony Dagradi, en juin et juillet 2000. Malgré
le décès de Nauman Scott en janvier, le disque fut finalement publié par Hammond
Scott en 2002 sur le label Money Pit, spécialement créé pour l’occasion. Ce
disque reste le dernier témoignage discographique de Snooks Eaglin. Il
continuera encore à se produire occasionnellement à New Orleans, surtout au
Rock and Bowl, comme en 2004 ou en première partie de Anders Osborne, il a
cassé la baraque avec Eddie Bo au piano ! Il donnera son dernier concert
au Mid-City Rock and Bowl en juillet 2008. |
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18/02/2009 |
Snooks Eaglin décède d’une crise cardiaque au Ochsner
Medical Center de New Orleans, alors qu’il avait été hospitalisé pour un
traitement contre un cancer de la prostate, dont il souffrait depuis 2008. |
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Le « Jukebox human » était son surnom ! Il avouait lui-même que son répertoire comportait environ 2000 chansons, mais selon d’autres, il en connaissait certainement le double ! Outre cet aspect, Snooks Eaglin était un guitariste exceptionnel, notamment grâce à une technique unique de la main droite… qui a impressionné toute personne qui l’a vu sur scène, mais aussi de la main gauche, utilisant largement le pouce. Sa voix éraillée, évoquant parfois Ray Charles, ajoute à sa personnalité, et la qualité de ses enregistrements en font un des plus fantastiques musiciens de New Orleans, d’autant plus remarquable que la ville est nettement plus réputée pour ses pianistes, ses batteurs ou ses cuivres. |
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Discographie (Pour plus de détail, voir le fantastique travail effectué par Stefan Wirz sur www.wirz.de/music/eaglfrm.htm) |
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New
Orleans Street Singer ou Blues From New Orleans Vol.
1 |
Folkways |
1959 |
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New Orleans Washboard Blues ou Possum Up A Simmon Tree (Snooks
Eaglin / Lucius Bridges / Brother Randolph) |
Folk-Lyric |
1960 |
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Message From New Orleans |
Heritage |
1960 |
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That's All Right |
Bluesville |
1962 |
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Blues From New Orleans Vol.
2 |
Storyville |
1964 |
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Portraits In Blues Vol. 1 |
Storyville |
1964 |
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The Legacy Of The Blues Vol.
2 |
Sonet |
1971 |
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Snooks Eaglin Today: Down
Yonder |
Sonet |
1978 |
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Baby, You Can Get Your Gun! |
Black Top |
1987 |
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New Orleans 1960-1961 |
Sundown |
1988 |
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Out Of Nowhere |
Black Top |
1989 |
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Country Boy Down In New
Orleans |
Arhoolie |
1991 |
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Teasin' You |
Black Top |
1992 |
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New Orleans Street Singer |
Storyville |
1994 |
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Soul's Edge |
Black Top |
1995 |
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The Complete Imperial
Recordings |
Capitol |
1995 |
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Soul Train from Nawlins,
Live at the Park Tower Blues Festival '95 |
P-Vine
(Japon) |
1996 |
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Live In Japan (réédition américaine du live japonais de 1996) |
Black Top |
1997 |
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Ultra Magnetic Guitars (Snooks Eaglin & Robert Ward) |
P-Vine (Japon) |
1997 |
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The Crescent City Collection |
Fuel 2000 |
2001 |
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The Way It Is |
Money Pit |
2002 |
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The Blues Of Snooks Eaglin & Boogie Bill
Webb |
Storyville |
2004 |
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The Best Of Snooks Eaglin |
Grammercy |
2004 |
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New Orleans Street Singer |
Smithsonian Folkways |
2005 |
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Great Blues Master – Vol. 5 |
Substance (Japon) |
2008 |
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Mon choix : The Complete Imperial Recordings (Yours
Truly / Nobody Knows the Trouble I've Seen / That Certain Door / By the
Water / If I Could / Guess Who / C.C.
Rider / Mama Talk to Your Daughter / I've Been Walkin' / My Head Is Spinning
/ Would You? / Traveling Mood / Going to the River / I'm Slippin' / Nothing
Sweet as You / Don't Slam That Door / People Are Talking / Long Gone / Willy
Lee / Reality [Formerly Titled Wake Up / If I Loved You, Baby / You Call
Everybody Sweetheart But Me / Little Eva / Cover Girl / Is It True / Down
Yonder (We Go Ballin')) Ce CD reprend ses enregistrements Imperial de la période 1960-1963. Snooks Eaglin y fait preuve d’une étonnante maîtrise, jouant de façon très enjouée aussi bien un blues traditionnel qu’un rhythm and blues endiablé. Sa voix fait des merveilles sur des perles comme C.C. Rider ou Down Yonder, parmi tant d’autres ! En plus, le CD est accompagné d’un chouette petit livret avec des informations biographiques et discographiques détaillées. Super ! |
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Pour en savoir plus : Le livre The Soul of New Orleans dans lequel Jeff Hannusch lui consacre un chapitre. |
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Films : The Blues Of
Snooks Eaglin – RecordedOctober 23, 1985 in New Orleans, DVD, Storyville Films, 2006 ; Apparaît également
dans : New Orleans Concert - The Music Of America's Soul, DVD, Concert Hot Spot, 2006 |
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Internet : http://abcbluesandsoul.com/snookseaglin.aspx |
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