Musique Cajun

Les descendants des immigrants français, des acadiens et autres colonisateurs qui adoptèrent finalement le français comme langue surent préserver la culture de leurs ancêtres. Dans tout le Sud/Sud-Ouest de la Louisiane, la communauté francophone, bien que minoritaire et pauvre, réussit à conserver d'anciennes mélodies et à faire danser chaque génération avec; cela jusqu'à aujourd'hui. Le répertoire de base, composé de ballades, de chansons à boire, de chansons d'amour ou de berceuses, s'enrichit des apports des anglais et des noirs.

 

Les gigues, quadrilles, valses et danses traditionnelles furent intégrées et le violon devint l'instrument principal, souvent doublé par un second violon basse. L'accordéon, vite adopté par les cajuns pour sa puissance sonore, fut amené au milieu du XIXème siècle par les colonisateurs allemands et supplanta souvent le violon comme instrument majeur. Le 'fais-do-do' est déjà une sorte d'institution en pays cajun. Ces bals populaires réunissent tous les adultes pour danser devant un orchestre instrumental, pendant que les enfants dorment.

 

A l'époque des premiers enregistrement de musique cajun, à la fin des années 20, un orchestre de danse comprenait un accordéon, un violon, et un triangle ('ti fer'), parfois complété par une guitare. La planche à laver était utilisée comme percussion et fut surtout adoptée par les noirs.

 

Le premier disque de musique cajun, "Allons à Lafayette", fut l'œuvre de Joe & Cleoma Falcon; Joe jouait de l'accordéon et sa femme de la guitare.

A part eux, les musiciens les plus connus de l'époque furent Dennis Mc Gee et Sady Courville; deux beaux-frères violonistes ! Ils firent leurs premiers enregistrements en 1928, mais il était quasiment impossible à ce moment-là de vivre de la musique.

Courville était vendeur et Mc Gee barbier ! Ils continuèrent, cependant, à se produire et à enregistrer; Mc Gee avec Amédée Ardoin, un chanteur et accordéoniste noir. Après la mort d'Ardoin, en 1941, Courvill et Mc Gee joignirent leurs talents et enregistrèrent plusieurs albums. Dans les années 70, ils participèrent au festival folk de Washington. Sady Courville mourut en 1987 et Dennis Mc Gee en 1989, à l'âge de 96 ans.

Un événement important pour la communauté francophone intervint en 1916 quand le français fut interdit dans les écoles et que tous les enfants furent contraints d'apprendre l'anglais. Tous les cajuns et créoles qui ne parlaient que le français se retrouvèrent isolés et souvent rejetés. La culture cajun en pâtit et se dilua en intégrant l'anglais dans les chansons, et en se mélangeant à la culture d'origine texane.

La musique cajun des années 30 fut dominée par les orchestres à cordes dans un style western, dont les meilleurs représentants furent les Hackberry Ramblers. Largement inspiré de l'orchestre de Bob Wills, ils jouaient une majorité de titres en anglais. Ils ne cesseront de populariser la musique cajun jusque dans les années 90.

Harry Choates est un autre violoniste qui apporta beaucoup à la musique cajun. Il fut l'un des premiers à intégrer l'anglais dans les chansons françaises et se rendra célèbre grâce à sa version de "Jolie Blonde" dans les années 40, qui deviendra une sorte d'hymne cajun. Sa carrière fut brutalement interrompue en 1951 par sa mort dans une prison d'Austin, à l'âge de 29 ans.

Celui qui, vers la fin des années 40 et au début des années 50, remettra l'accordéon au goût du jour, s'appelait Iry LeJeune. C'est en français, dans le style plaintif traditionnel qu'il chantait ses histoires d'amour perdu. LeJeune mourut en 1954 dans un accident de voiture, à 26 ans. Heureusement, des artistes comme Nathan Abshire, Lawrence et Aldus Roger vont poursuivre son œuvre en produisant une musique cajun principalement axée sur l'accordéon.

Le français demeurera vivace grâce aux grands-parents qui continuaient de le parler et de l'apprendre aux jeunes du pays cajun. Cependant, après la deuxième guerre mondiale, les jeunes furent plus attirés par le rhythm and blues et le rock'n'roll naissants.

Quelques artistes continuèrent pourtant à jouer cette musique, tant en anglais qu'en français : le chanteur Belton Richard, les guitaristes D. L. Menard, Jimmy C. Newman et Doug Kershaw, la première vedette cajun moderne. Tous étaient, en fait, plus tournés vers Nashville et la musique country que vers la vraie musique cajun.

Grâce à une poignée de passionnés, la musique cajun traditionnelle sera quand même préservée. En 1964, Gladius Thibodeaux, Louis "Vinesse" LeJeune et les frères Balfa, eurent l'opportunité de participer au festival folk de Newport, où leurs succès relança cette musique. L'un des frères Balfa, Dewey, violoniste et chanteur, décida alors de partir en croisade afin que sa culture et sa musique soient reconnues. Cela ne se fit pas en un jour, mais la renaissance de la musique cajun fut réelle. Les frères Balfa connurent le succès : disques, tournées internationales, concerts lors de l'investiture de Richard Nixon et de Jimmy Carter ! Malheureusement, en 1979, deux des frères Balfa, Will et Rodney, périrent dans un accident de la route. Dewey continua seul, puis avec Christine, sa fille cadette, jusqu'à sa mort en 1992.

 

 

Le producteur Floyd Soileau fit également un énorme travail pour sortir les artistes cajuns de l'obscurité. Maintenant les festivals cajuns et acadiens attirent un large public, notamment à Lafayette.

 

 

Michael Doucet & Beausoleil

Zachary Richard

De nouveaux musiciens vont émerger, comme Cory Mc Cauley ou Marc Savoy, et deux artistes vont devenir les chefs de file de la musique cajun moderne : Michael Doucet et Zachary Richard. Tous les deux, quasiment du même âge (Richard est né en 1950, Doucet en 1951), commencent à jouer de la guitare ensemble dès 12 ans. Chacun suivra ensuite sa propre route. Michael Doucet, violoniste, créera Beausoleil et Zachary Richard, guitariste et accordéoniste, fera une carrière solo. Tous les deux connaîtront le succès et, à partir de la fin des années 70, ne cesseront d'enregistrer de magnifiques albums, permettant à la musique cajun de conquérir le monde ! Doucet restera toujours très proche de ses racines, alors que Richard s'aventurera parfois un peu vers le rock. Tous les deux restent cependant des artistes authentiques et les fiers défenseurs d'une culture originale et d'une musique de qualité.

 

 

Une foule de jeunes musiciens assurent maintenant l'avenir de cette musique, dont un des plus talentueux représentants est certainement Bruce Daigrepont.